Chacun de nous, à un moment de sa vie, a voulu écrire une histoire ou du moins faire un témoignage concernant une épreuve vécue ou surmontée. En quelques mots retracer sa vie ou la réécrire. J’ai de ce fait, choisi de parler de mon passage au CRA de Palaiseau.

Le 26 août 2011 j’ai été interpellé à la gare de Chartres, alors que je me rendais à un RV, en vue de remettre un colis à un ami. Comme il est de coutume dans ce pays, j’ai été placé en garde à vue pour vérification d’identité et ensuite emmené au CRA de  Dreux, où je suis resté 5 jours.

Le 1er septembre, après être passé devant le JLD, j’ai été placé à Palaiseau, d’où depuis ma chambre, je relate un peu mon quotidien  qui est le même que celui des autres retenus.

Ma première surprise, c’était l’accueil des autres retenus que je préfère appeler mes amis. Ils m’ont mis à l’aise, au point de me faire oublier ce pourquoi j’étais là : une vraie preuve de solidarité. Cette surprise plutôt bonne à mon goût, va vite recevoir un premier coup, celui de la désinformation.

En arrivant au CRA, j’ai fait appel de la décision du JLD de Chartres, concernant mon maintien dans un centre pour une durée de 20 jours. Au lendemain de l’Appel, soit le 2 septembre à 12h30, un agent est venu m’informer que j’étais convoqué au tribunal administratif de Versailles le jour même à 14 heures. Fait qui m’a coûté l’absence de mon avocat, tellement le délai était court pour préparer ma défense. Au fil du temps, j’ai constaté que je n’étais pas un cas isolé, car tous, nous recevions nos convocations à quelques heures des audiences. Cette désinformation est beaucoup plus accentuée concernant les vols car, ni nous ni les associations qui siègent dans le Centre, ne sont informées des éventuels départs. On réveille les retenus tôt le matin pour leur dire qu’ils ont des vols. Ce qui a d’ailleurs poussé certains à avaler des piles de télécommande, des batteries de téléphone, des pièces d’argent et autres.

A cette désinformation, s’ajoute le manque de personnel qui a une grande répercussion sur nous, dans la mesure où, rien ne se fait sans l’intermédiaire des agents de police. Je citerai par exemple le fait de changer de chaîne de télé, d’ouvrir les fenêtres des chambres pour aérer, de descendre chercher des affaires dans nos casiers… Nombreux de nos visiteurs ont galéré longtemps dehors parce que personne ne pouvait assurer la descente des retenus pour les visites. Et quand on leur demande pourquoi toute cette désorganisation personne  ne le sait.

FTDA, la seule association qui nous aide dans différentes démarches n’est dotée que d’une seule personne ce qui est très compliqué pour recevoir les retenus et faire des recours. J’ai d’ailleurs pas mal de fois fait des appels ou des recours, vu l’urgence du dossier et le nombre élevé des personnes que FTDA devait recevoir. Certains des amis ont pu sortir avec mon aide mais la majeure partie des dossiers ont été rejetés. Mais bon, j’ai au moins pu acquérir une certaine expérience dans le domaine des recours qui, j’ose croire, m’aidera dans ma vie de tous les jours. Le fait aussi de ne pas avoir la liste des avocats, ne vous aide pas du tout, parce qu’il nous faut descendre chez FTDA en vue d’être en contact avec des avocats.

Cette expérience que j’ai vécue dans ce Centre, qui est d’ailleurs unique en son genre, m’a appris à quel point il est important de vivre en communauté, mais surtout m’a donné une leçon de solidarité. Il m’arrive de me demander comment j’ai fait pour tenir aussi longtemps loin des miens, moi qui suis très famille. C’est alors que je comprends que je me suis fait une autre famille, auprès de qui j’ai appris tellement de choses que je dis merci à la Providence d’avoir mis ce monde sur mon chemin. La prière – le chapelet en l’occurrence – m’a donné une force surhumaine qui m’a permis de tenir, mais surtout de m’occuper des autres, qui, à mon humble avis avaient beaucoup plus besoin d’aide que moi. En gros le seul côté positif qu’il y a dans cette aventure, c’est la rencontre avec des gens sympa, c’est la solidarité qui règne dans le Centre, c’est aussi l’apprentissage de ces lois qui régissent le Droit des étrangers. Excepté les points que je viens de mentionner, le reste est très, mais très, négatif. Au stress et à la pression de tous les jours, s’ajoute la peur. La peur d’être renvoyé dans son pays d’origine, où on n’a plus aucune attache familiale, où on craint pour sa sécurité, où on risque de plonger dans une précarité incommensurable.

Les lieux ne vous donnent pas envie d’y rester une nuit de plus. À en croire les témoignages des retenus qui sortaient des prisons, ce n’est pas mieux que la prison parce qu’au moins en prison on a une cour pour d’éventuelles ballades.

Le centre du côté des retenus

Il y a donc (dans l’enceinte du Centre) vingt (20) chambres, chacune dotée d’un double lit en étage, d’un petit meuble servant de chevet, un petit bureau avec deux bancs de deux places chacun, une douche-toilette de quelques mètres. Le tout peint en blanc.

Un réfectoire nous accueillait aux heures des repas, mais aussi pour se divertir en suivant la télévision. Il avait deux longues tables collées à ses bancs en fer, un distributeur de boisson chaud et un poste téléviseur qui fonctionnait plutôt bien.

Une autre salle, un peu plus petite que le réfectoire, au bout du couloir, en passant devant le poste de police, était réservée pour le divertissement. Dotée d’un poste de télé qui fonctionnait selon ses humeurs, deux bancs en fer placés juste en face de la télé qui, elle-même, était protégée d’une armure faisant penser aux gardes d’un royaume de l’empire romain, d’un distributeur de boissons fraîches et d’un baby-foot (ou du moins ce qui reste d’un baby-foot). Au centre de ce décor carcéral se trouve une cour-terrasse (si on peut l’appeler ainsi) qui nous servait de terrain de football (enfin pour ceux qui pouvaient supporter les enflures sous les pieds). Le tout protégé par une grille métallique au-dessus de nos têtes. Dans le couloir qui fait face au poste de police, sont collés au mur quatre cabines téléphoniques et un distributeur de cartes prépayées qui, depuis que je suis là, n’a fourni aucune carte.

Je ne qualifierai jamais ce Centre d’Enfer, mais à en croire les amis qui sont passés par d’autres centres, c’est pas loin d’en être un, tellement que les conditions dégradantes nous obligent en plus de supporter les sautes d’humeur des agents de police qui ne supportent aucune remarque et qui se font passer assez souvent pour des « Napoléon Bonaparte ».

Conclusion, j’ai beaucoup de choses à dire sur le Centre, afin de faire comprendre à tous, comment sont traités les faibles dans un pays de Droit. Mais surtout montrer que même dans un pays « de Droit » la loi est bafouée quand il s’agit de l’appliquer en faveurs des faibles. Mais hélas, ma situation me stresse tellement, que certaines choses m’échappent.

Je rappelle tout de même que nombre de ceux qui sont dans des centres de rétention, viennent chercher refuge ici parce que chez eux il n’ya plus d’espoir, pas de sécurité, pas de paix. Et tous ces problèmes, ces conflits ethniques, cette misère sont dus à la convoitise des puissants de ce Monde, dont la France. Et ce sont les premiers qui ne veulent pas que ceux dont les maisons ont été brûlées, des parents tués… à cause de leurs gourmandises, viennent se réfugier chez eux. Une réalité dure à accepter surtout lorsqu’on connaît les manigances de l’Occident avec nos gouvernements.

J’ose croire qu’à travers ces quelques lignes, beaucoup de gens prendront conscience de la réalité que nous (étrangers, immigrés, retenus et j’en passe), vivons dans ce pays. Ce pays qui vient puiser gratuitement dans nos richesses, nous traite comme des moins que rien. Heureusement certains d’entre nous, vivons dans l’espérance qui n’a pas de contraire, et avons pour Credo cette phrase d’un auteur africain qui disait « La grandeur des barrières franchies rend la réussite plus éblouissante ». J’ai cité Fatou Diome.

Konaté - Octobre 2011