Qu’est ce que l’Observatoire ?

 

L’Observatoire Citoyen du Centre de Rétention Administrative (CRA) de Palaiseau a été créé en 2009 par des habitants de la ville et de sa région, à la suite d’une grève de la faim collective des personnes retenues au CRA, et est devenu en 2011 une association 1901. 

 

C'est un Observatoire de citoyens. Chacun y vient en son nom personnel. Il rassemble ceux qui veulent briser le silence qui entoure l’enfermement et l’expulsion d’étrangers qui ne sont pas en situation administrative régulière. Ils n’admettent pas que cela se passe à nos portes, en notre nom, et agissent afin que l’existence d’un tel lieu d’enfermement soit connue et combattue. 

 

Ses objectifs ?

 

  • Veiller à la défense et au respect des droits des étrangers retenus à Palaiseau

  • Témoigner des atteintes qui sont faites à leur dignité et à leurs droits fondamentaux

  • Informer la population de Palaiseau de conditions réelles d’enfermement au CRA et des conséquences dramatiques du processus d’expulsion

  • Participer à toute forme de solidarité individuelle ou collective avec les personnes retenues au CRA. 

 

Ses moyens d’action ? 

 

Chaque troisième samedi du mois, Place de la Victoire, de 11h à 12h un Cercle de Silence est ouvert à tous. En nous rattachant à ce mouvement non-violent qui est présent dans de nombreuses villes françaises (voir ‘Les Cercles de Silence’), nous voulons témoigner publiquement de notre solidarité avec les retenus de Palaiseau, et informer les habitants de la ville de ce qui se passe à leur porte.

 

Autant qu’ils le peuvent, les membres de l’Observatoire visitent les ‘retenus’ et assistent aux audiences de justice. Nous voulons qu’ils sachent, avec leurs proches et leur famille, qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils méritent la solidarité active des citoyens de ce pays ; que le fait d’être ‘sans papier’ n’est pas un crime et qu’ils ont des droits. En brisant le silence qui les entoure, nous espérons les protéger un peu de l’arbitraire administratif, des décisions de justice rendues à la va-vite, de l’angoisse d’être enfermés, loin de leurs proches.

 

L’Observatoire n’est pas tout seul… un mouvement de solidarité existe dans ce pays, avec les organisations de défense des droits des étrangers (et notamment la Ligue des Droits de l’Homme, la CIMADE, le Réseau Education sans Frontières, l’Association des familles Rroms, le Secours populaire …) ; avec les Cercles de Silence qui se tiennent un peu partout en France ; avec des syndicats pour qui la solidarité des travailleurs n’est pas un vain mot. Il est relayé par des journalistes, des avocats, des juges clairvoyants, des passagers d’Air France qui n’hésitent pas à s’opposer aux expulsions policière.


Enfermer, expulser, bannir : la situation des étrangers internés au CRA 



Les CRA (centres de rétention administrative, dans le jargon officiel) ne dépendent pas de l'administration pénitentiaire mais sont gérés par le Ministère de l’Intérieur. Ils ont été créés en 1981, en réponse au scandale provoqué par la découverte, à Marseille, d’une « prison clandestine »  étaient enfermés des immigrés en instance d’expulsion. A l’époque, la rétention était présentée comme une mesure exceptionnelle, ne pouvant dépasser une semaine. 

Votée en septembre 2018, la loi Collomb est entrée en vigueur en janvier 2019. 28eme loi sur l’immigration depuis 1980, elle aggrave encore la situation des internés du CRA. 

 

Ils peuvent être internés maintenant QUATRE-VINGT-DIX jours (NB : les cas d’étrangers ayant fait plusieurs séjours en CRA sont fréquents, avec un record de 23 séjours …)

Les Préfectures ont désormais CINQ JOURS pour agir avant qu’un juge des libertés et de la détention (JLD) ne puisse vérifier la légalité de la rétention et/ou de l’expulsion de l’étranger

L’expulsion de MALADES GRAVES est facilitée sauf circonstance humanitaire exceptionnelle

Au ministère de l’Intérieur, l’expulsion des sans-papiers est une priorité majeure et l’enfermement une forme banale de gestion. 

Inauguré en 2011, le CRA du Mesnil-Amelot (240 personnes), loin de tout transport en commun et soigneusement choisi pour empêcher la visite des familles est ce qu’il faut bien appeler un camp d’internement pour étrangers. Pour contourner la règle qui limite les places à 140, l’administration entoure deux centres distincts… des mêmes barbelés. Ce camp, qui enferme des mineurs (40 places réservées pour les familles avec enfants… inaugurées par une mère de famille géorgienne et ses trois enfants de 5, 2 et 1 ans, tous nés en France) ouvre aussi la porte à une justice d’exception : les étrangers peuvent y être jugés dans l’annexe du tribunal de Meaux situé entre une compagnie de CRS et le CRA, à l’intérieur d’un même bâtiment !

 

Enfin, selon une conception très particulière de l’Etat de droit, des dispositions qui protègent encore les retenus dans l’Hexagone ne s’appliquent pas en Guadeloupe, Guyane, Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte. L’Etat français prend moins de gants dans ces territoires, où les expulsions sont exécutées sans désemparer, aussi nombreuses que pour toute la Métropole. On peut y vérifier tous les jours ce que seraient l’enfermement des étrangers sans les organisations solidaires des sans-papiers.


Mais qui sont les internés de Palaiseau ?

 

A l’Observatoire, nous voyons bien les conséquences de cette logique infernale d’enfermement.

 

Ces gens qu’on enferme et qu’on expulse en notre nom, leur seul crime est de ne pas avoir tous leurs papiers en règle. Beaucoup ont renoncé à une vaine demande de renouvellement de leur titre de séjour, et sont inexorablement rejetés dans la clandestinité. Ils habitent souvent depuis des années ici, y ont une famille, des enfants scolarisés, un logement, un travail, payent des taxes et des cotisations sociales comme vous et moi. Quelques un ont fait de la prison, parce que se soustraire à une mesure d’éloignement peut être puni comme un délit, ou pour les raisons qu’engendre trop souvent la clandestinité forcée. Ils sont soumis à la cruelle double-peine du bannissement.

Certains seront relâchés parce que des juges auront su reconnaître leurs droits, parce des centaines de voisins ou de parents d’élèves auront signé des pétitions pour demander leur libération, parce que Réseau Education sans frontières, la Cimade, la Ligue des Droits de l’Homme les auront aidés… ou que des passagers courageux se seront opposés à leur expulsion dans les avions d’Air France. Grâce à ces actes de justice et de solidarité, la machine à expulser ne fonctionne pas comme le souhaiterait un gouvernement qui ne ménage pourtant pas ses efforts, car on n’expulse pas toutes ces personnes sans mobiliser des forces policières importantes.

Il arrive aussi (pour l’honneur de certains consulats) que même des pays ‘proches de nous politiquement’ (comme dit le Ministre de l’Intérieur) rechignent à délivrer les documents nécessaires à une expulsion. Alors là, existe le Laissez-passer européen qui permet d’expulser une personne dans un pays sans avoir même reçu de ce pays un laissez-passer consulaire ! Sinon après 90 jours passés au CRA dans l’angoisse de l’expulsion, ils sont remis à la rue, rejetés désormais dans une clandestinité, la peur au ventre, mais aussi avec l’espoir de faire enfin reconnaître leurs droits, d’obtenir cette régularisation qui leur permettra de prendre le métro normalement, d’aller chercher leurs enfants à l’école, de ne pas craindre la délation de leurs voisins.

Et puis il y a les autres… qu’on vient chercher le matin pour les mettre brutalement dans un avion d’Air France, vers un pays qu’ils ont parfois quitté dès leur enfance, dont ils ne connaissent presque plus rien. Ils sont sur nos chantiers, ils cuisinent ou font la plonge dans le restaurant d’à côté, ils sont le petit vendeur à la sauvette, le musicien du métro. 



La France : un pays enrichi par des êtres humains venus du monde entier.

La défense de leurs droits est aussi celle de nos droits.

Nous sommes solidaires des étrangers enfermés au CRA de Palaiseau.

Article du Parisien (décembre 2009) : ils s'organisent pour "veiller" sur les étrangers retenus

« Comment entrer au sein du centre de rétention administrative ? » demande un militant. « Est-ce normal de n’avoir que quinze minutes pour échanger avec un retenu ? Comment faire pour pouvoir leur parler plus longtemps ? » questionne un autre. Mardi soir, l’observatoire du Centre de rétention administrative (CRA) de Palaiseau organisait à Massy sa première réunion publique sur le thème : être observateur citoyen cela veut dire quoi ? L’objectif : apporter des réponses concrètes aux citoyens militants, car « entrer dans un centre de rétention n’est pas facile, explique José Angel Fernandez, membre du collectif à l’origine de la création de l’observatoire.

L’objet de cette réunion est de savoir comment réussir ».

 

Pourquoi un observatoire ?

 

Au 1 e r janvier, la Cimade (association d’entraide aux étrangers migrants, basée à Massy) ne travaillera plus au centre de rétention administrative de Palaiseau. Elle sera remplacée par l’association France Terre d’asile, après l’appel d’offres lancé au niveau national par le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. « Il faut créer une veille citoyenne qui permette de perpétuer le rôle de la Cimade, et de relever les dysfonctionnements existants », explique José Angel Fernandez. « Notre objectif, c’est d’avoir un regard de la société civile pour savoir ce qui se passe à l’intérieur du centre et favoriser les actions de soutien aux retenus », ajoute Nadia N’Guyen, de Réseau éducation sans frontières.

 

Les règles au centre de rétention A

 

Palaiseau, le centre peut accueillir un maximum de 40 retenus, étrangers en situation irrégulière, en attente d’expulsion. « Ces personnes, désespérées, souhaiteraient se défendre, explique Eve Chrétien, salariée de la Cimade. Mais elles n’en ont pas forcément les capacités, surtout juridiques, car les procédures sont très complexes. » A l’intérieur, les conditions de vie et de sécurité sont drastiques : pas de photos autorisées, déplacements accompagnés de policiers, interdiction de stylos et de feuilles de papier… Les retenus, privés de liberté, ont cependant le droit de communiquer avec l’extérieur (leurs portables sont autorisés, des téléphones sont accessibles au sein du centre) et de recevoir des visites. Les observateurs peuvent donc franchir les portes du centre, jusqu’au parloir, à condition de connaître le nom d’une des personnes retenues.

 

Les visites des volontaires

 

Les volontaires de l’observatoire assurent des visites auprès des étrangers et réalisent des comptes rendus. « Pour l’instant, on se demande à quel moment diffuser ces comptes rendus pour ne pas pénaliser les retenus, explique Nadia N’Guyen. L’idée serait d’en faire une synthèse. »

 

Flore Mabilleau - 17/12/2009